Perspectives situationnistes sur la drogue
Réciproquement, les raisons qui mènent l’individu à se droguer ne sont-elles pas identiques à celles qui conduisent la société aliénée à l’exclusion de ce même individu ? En effet, l’usage de drogue s’inscrit dans la recherche d’un « stade supérieure » de l’existence, c’est-à-dire dans l’adoption d’un tout autre comportement face au monde. En tant qu’activité séparée, la consommation de drogue implique que l’enivrement ne peut pas être trouvé dans la vie sociale elle-même. La drogue pose donc la question de l’accès à l’ivresse dans la société, du changement de perception face au monde qu’il nous est permis de contempler. Elle manifeste la capacité des individus à formuler une critique consciente de leur propre condition.
Une société qui sera parvenue à une transformation radicale de la vie quotidienne réussira-t-elle tout de même à éradiquer la nécessité de la drogue au sein de sa population ? Formulé autrement, aura-t-elle matérialisé la critique de la vie quotidienne contenue dans la drogue ? Aura-t-elle tenu sa promesse d’ivresse ? Le cas échéant, la consommation de drogue ne consisterait plus le moyen par défaut d’accès à l’ivresse dans une société qui ne fournirait pas les moyens de l’atteindre autrement. Ce qui semble plausible pour Charles lui-même qui considère que l’usage de drogue n’est pas le seul moyen d’accès à l’ivresse et que par extension l’aspiration à une société où les hommes vivent heureux sans drogue est réaliste : lorsque l’ivresse se sera reconnue devant elle-même :